Bonjour Ă tous !
Le but de cette newsletter et de prĂ©senter le nĂ©olibĂ©ralisme sous un jour positif, loin des clichĂ©s que lâon voit beaucoup circuler. Pour commencer, jâai pris un exemple qui devrait parler Ă droite comme Ă gauche : la taxe carbone. Je pense qu'elle reprĂ©sente parfaitement ce qu'est le nĂ©olibĂ©ralisme.
Les néolibéraux ne sont pas climato-sceptiques
Câest la premiĂšre idĂ©e reçue que j'ai dĂ©jĂ dĂ» combattre. Nous adhĂ©rons au consensus scientifique sur l'origine anthropique du rĂ©chauffement climatique. ConcrĂštement qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'Ă chaque fois que vous "consommez" (Ă©mettez donc) du CO2, vous rendez la vie sur Terre un peu plus compliquĂ©e pour tout le monde. Quand vous causez un tort Ă quelqu'un, vous devez gĂ©nĂ©ralement le rĂ©parer ou le dĂ©dommager. Je pense que ce principe fait consensus Ă travers tout l'Ă©chiquier politique, du moins en thĂ©orie. Mais comment faire quand le tort est causĂ© par tout le monde, Ă tout le monde ? Tout le monde consomme du carbone, et tout le monde est victime des effets du carbone.
Entre en jeu Arthur Pigou : quand vous consommez du CO2, c'est pour votre bĂ©nĂ©fice (vous avez besoin de vous dĂ©placer par exemple). Vous ne le faites pas avec l'intention de rĂ©chauffer la planĂšte (sauf si vous ĂȘtes vraiment trĂšs mĂ©chant). Et pourtant il s'agit d'un effet secondaire de votre consommation. Mr Pigou a conceptualisĂ© ça sous le nom d'externalitĂ© (nĂ©gative en l'occurrence, mais il y en a des positives). Cela veut dire qu'aussi efficient que soit le marchĂ© (on reviendra au marchĂ©), il ne prend pas en compte cette information dans le prix du carbone. La solution proposĂ©e par Mr Pigou est assez simple : intĂ©grer cette information dans le prix du marchĂ© Ă travers une taxe pigouvienne, dans le cas prĂ©sent, la taxe carbone.
Objections courantes contre la taxe carbone
Je vais répondre en avance à trois objections, deux de gauche et une de droite. Celle de gauche : si le marché est imparfait, pourquoi ne pas réduire la consommation de carbone en régulant son usage.
C'est la route qui est choisie le plus souvent par nos responsables : imposer le train sur certains trajets, interdire certains modes de production d'Ă©nergie, en subventionner d'autres, subventionner l'isolation des logements, imposer des normes au BTP etc. Sauf que ça c'est vouloir dire aux objets qu'ils doivent rester au sol, alors que c'est le boulot de la gravitĂ© (c'est ma comparaison Ă©conomie-physique). Et on a de la chance on peut rĂ©gler la gravitĂ© en Ă©conomie : il suffit de monter ou baisser le niveau de la taxe. Et le marchĂ© fait le reste. Et oui, chez les nĂ©olibs, on adore les marchĂ©s. On pense que c'est l'outil d'allocation le plus efficace, et qu'il doit ĂȘtre l'outil auquel on pense en premier. Et cela en accord il me semble avec la science Ă©conomique.
Il y a une allergie au concept de marché à gauche, mais si le marché internalise les externalités négatives à travers une taxe carbone, je pense que bon nombre d'arguments anti-marché tombent à l'eau. D'ailleurs il existe des gens qui envisagent une économie de marché en dehors du capitalisme. Je pense que cette confusion marché/capitalisme est en partie à l'origine du désamour du marché. Mais le marché est juste un mécanisme d'allocation. Pensez à d'autres mécanismes d'allocation : tirage au sort, premier arrivé-premier servi, ou bien discrétionnaire (géré par l'Etat par exemple). Désolé, mais je préfÚre encore le marché.
DeuxiĂšme objection âde gaucheâ que je nâavais pas anticipĂ©e mais qui est revenue trĂšs souvent : la taxe carbone crĂ©e juste un âdroit Ă polluerâ pour les plus riches, et elle pourrit juste la vie des plus pauvres. PremiĂšrement, Ă part quelques ultra-riches qui pourraient complĂštement ignorer le surcoĂ»t de la taxe, mĂȘme les gens du premier dĂ©cile seraient impactĂ©s (en France, le premier dĂ©cile gagne en moyene 60.000âŹ/an). Et croyez-le ou non, mais mĂȘme les gens trĂšs riches font attention Ă leurs sous, et verraient leurs choix sâorienter vers des solutions bas carbone. Enfin, pour ce qui est des plus pauvres, ils pourraient mĂȘme devenir bĂ©nĂ©ficiaires nets de cette mesure si on reversait de la fruit de la taxe Ă tous les citoyens.
Des taxes, des taxes, des taxes, câest ça le nĂ©olibĂ©ralisme ?
Enfin une objection de droite : "tu te dis libĂ©ral, et tu viens juste de nous pondre une taxe de plus". Mais imaginez un peu tout ce que la taxe carbone remplace. Avec une taxe carbone, vous avez toujours le droit de prendre l'avion, simplement vous compensez la communautĂ© pour le dĂ©sagrĂ©ment causĂ©. Vous pouvez acheter des fruits de l'autre bout du monde acheminĂ©s en jet privĂ© si ça vous chante, vous chauffer avec un poĂȘle Ă mazout, isoler votre maison avec des bouts de carton. Tant que vous en payez le prix.
Avec une taxe carbone, vous ĂȘtes plus libres, mais vous ĂȘtes aussi plus responsables de vos choix. Et c'est pour ça qu'elle est reprĂ©sentative du nĂ©olibĂ©ralisme, et de son mode de gouvernance. On ne gouverne plus par des interdictions et des autorisations, mais par des incitations. Devant deux produits de qualitĂ© Ă©quivalente, le prix reflĂ©tera le plus vertueux des deux en matiĂšre de CO2. Et naturellement, vous serez orientĂ© vers le produit qui a nĂ©cessitĂ© le moins de carbone dans sa conception.
Un Ătat avec un pĂ©rimĂštre rĂ©duit, mais plus fort sur son pĂ©rimĂštre
Est-ce que le nĂ©olibĂ©ralisme, c'est plus ou moins dâĂtat alors ? Les deux. C'est moins dâĂtat, parce qu'il y a des pans entiers de rĂ©gulations que l'on peut faire sauter avec une taxe carbone. LâĂtat ne sera pas derriĂšre vous pour chaque dĂ©cision que vous devrez prendre.
Et en mĂȘme temps, il y a plus dâĂtat : dans chacun de vos achats, lâĂtat va corriger le prix pour intĂ©grer le coĂ»t du carbone. Mais toute l'information est rĂ©sumĂ©e dans un seul signal : le prix. C'est aussi plus d'Etat, parce qu'en 2019, nous avons consommĂ© plus de 600M de tonnes de CO2. Ă 45⏠la tonne de CO2, cela pourrait reprĂ©senter 27 Mds de taxe collectĂ©e (actuellement uniquement 10, il y a beaucoup d'exceptions). Jean Tirole dit que le prix du CO2 devrait atteindre 250⏠la tonne en 2050, soit une collecte potentielle de 160 Mds ! Bien entendu on espĂšre que d'ici lĂ la consommation de CO2 aura drastiquement baissĂ©. A titre de comparaison, la TVA c'est 120 Mds âŹ.
Donc le nĂ©olibĂ©ralisme n'assĂšche pas forcĂ©ment les recettes de l'Etat. En revanche, la taxe ayant jouĂ© son rĂŽle d'orientation de nos choix, elle pourrait simplement ĂȘtre redistribuĂ©e aux Français. Avec un mĂ©canisme trĂšs simple, on Ă©conomise des tas de rĂ©gulations, et surtout, on Ă©conomise aussi tous les mĂ©canismes pour les faire respecter. C'est autant d'Ă©conomies pour l'Etat.
C'est pour ça que je vois le nĂ©olibĂ©ralisme comme la source d'un Etat efficient, qui laisse les gens plus libres grĂące aux marchĂ©s, et en mĂȘme temps, qui les protĂšge plus, en corrigeant les "angles morts" du marchĂ©.