Dérégulation, privatisations, aliénation, source d’insupportables inégalités et de concentration du pouvoir économique aux mains de quelques privilégiés, le néolibéralisme est communément décrit comme un épouvantail par le paysage politique et médiatique français.
Ses défenseurs seraient d’affreux capitalistes dont le seul but est d’accroître la liberté de quelques-uns, au détriment du plus grand nombre, sans considération pour l’égalité ou les dommages infligés à la planète.
Cette image erronée du néolibéralisme provient selon moi de deux sources : d’une part, de la construction d’un homme de paille par les ennemis de la liberté. D’autre part, de la confusion avec un autre courant de pensée, le libertarianisme.
Si le néolibéralisme a bien fait l’objet de quelques tentatives de définition, on pourra par exemple citer Milton Friedman et son papier “Neo-Liberalism and its Prospects”, le concept souffre aujourd’hui d’un manque de clarté et mérite un résumé et une mise à jour de ses principes fondateurs, partagés inconsciemment par beaucoup de nos concitoyens.
Alors, que défendent les néolibéraux ?
L’individualisme et l’universalisme comme valeurs cardinales de nos démocraties libérales. Nous pensons que le bien-être et les droits des individus, hommes, femmes ou enfants, doivent être privilégiés par rapport aux objectifs du groupe. L’action publique doit être pensée en fonction de ses effets sur l’individu et la souveraineté populaire s’arrêter aux portes de l’existence individuelle.
La liberté comme moteur d’une société prospère. L’expression de la liberté et des contradictions qui en découlent dans la société aboutit à rendre cette dernière plus juste, plus efficace et in fine à faire naître le progrès. Nous reconnaissons l’existence et la nécessité de trouver un équilibre entre les deux libertés : négative et positive1.
L’économie de marché comme meilleur mode d’organisation économique de la société. Si le capitalisme est extrêmement efficace pour créer de grandes quantités de richesses, l’économie de marché est le moyen le plus efficace pour l’organiser, stimuler l’innovation, générer de la croissance et contribuer à la prospérité des ménages.
Le marché comme institution par nature imparfaite, qui doit être régulée et corrigée. Nous ne croyons pas que l’allocation des ressources permise par l’économie de marché soit toujours optimale. L’État doit intervenir pour créer une architecture juridique solide fixant les règles de libre-concurrence entre les acteurs, ainsi que s’assurer du bon respect de celles-ci. Aussi, quand une défaillance de marché apparaît, l’intervention de l’État ou d’autorités indépendantes peut-être opportune.
Le mondialisme comme bénéfique au plus grand nombre. Libre-circulation des personnes, des capitaux, des idées et mise en place d’institutions internationales, nous pensons que le mondialisme rend globalement les pays plus riches, augmente le niveau de vie des citoyens, bénéficie aux consommateurs et contribue à la paix dans le monde.
La solidarité comme prérogative légitime de l’État. Le capitalisme est extrêmement efficace en matière de création de richesses, mais peut s’avérer peu efficace pour les distribuer. C’est donc le rôle de l’État d’assurer une protection sociale minimale à tous. Cette intervention, notamment concernant les services publics qui la sous-tendent, peut toutefois s’exercer en collaboration avec des acteurs privés, tant concernant la santé, que le chômage ou la retraite.
Le changement climatique comme le défi de ce siècle et la tarification du carbone, comme l’arme la plus efficace pour s’y attaquer. Nous défendons une approche résolument techno-optimiste et market-based de ce problème. La tarification du carbone, a minima européenne et avec un mécanisme d’ajustement à nos frontières, est notre meilleur outil pour réduire les émissions de CO2 et contribuer à faire émerger les innovations de demain, indispensables à la mitigation et à l’adaptation, tout en préservant au mieux la liberté individuelle.
Les rentes indues comme un fléau à éradiquer. Que ce soit par des interventions de l'État (contre l'exploitation de la rente de certaines matières premières) ou moins d'interventions, en supprimant les barrières à l'entrée sur d'autres marchés (numerus clausus des taxis ou médecins, limites excessives à la construction de nouveaux logements, etc.), nous pensons que la lutte contre les rentes constitue l’un des fondements de la théorie libérale, afin d’éviter l’accaparement des ressources par une minorité.
Si vous êtes d’ores et déjà convaincu que ces principes moraux, économiques et philosophiques doivent constituer la boussole de l’action publique, alors bienvenue chez les néolibéraux.
Pour les autres, nous espérons que nos futurs articles contribueront à nourrir la réflexion, la contradiction et qui sait… finirons peut-être par vous convaincre !
La liberté négative, c’est la conception visant à dire que l’on est plus libre dans la mesure où l’on trouve le moins d’obstacle possible pour vivre notre vie selon notre bon vouloir. Tant que nous pouvons agir de façon autonome, sans intervention d’une force étrangère, alors nous somme libres. La liberté négative, c’est la limitation de l’autorité.
La liberté positive, à contrario, vise à dire que la possibilité qu’à chaque individu de se réaliser dans la société dépend de causes largement extérieures à sa volonté. “Comment un analphabète pourrait-il jouir de la liberté de la presse ? À quoi sert la liberté de voyager pour celui qui vit dans la misère ?” La liberté réelle de s’accomplir est donc fortement dépendante de l’action de la société.
Ces deux libertés se repoussent l’une, l’autre et il revient à la société de trouver le juste équilibre entre les deux. On tient ce concept de la plume notamment d’Isaiah Berlin et d’Amartya Sen.
Bravo et merci pour cette initiative de réinformation. Excellente synthèse. J'attends la suite avec grand intérêt.
Ça serait possible de détailler plus le 4 avec des cas ?